UNIVERS, 2
Novik avait fait ainsi confiance à ses réflexes : aller dans l’endroit le plus sûr pour réfléchir à la situation. Il avait d’abord pensé à la mairie, étant donné qu’il était – semblait-il – Capitaine de l’Empire. Comment il avait deviné que c’était une mairie, et non une préfecture ou un Bureau du Directeur, c’était un mystère.
Il n’y avait personne au guichet. Novik regarda autour de lui. On pouvait entendre des voix dans les bureaux adjacents, mais la salle d’accueil était déserte. À quelques pas à sa droite, Novik vit ce dont il se dit que c’était la première chose qu’il aurait dû chercher : un miroir.
Le personnage qu’il vit – et qui se présentait comme étant le sien – ne lui rappela rien. Ses yeux étaient d'un noir profond comme l'infini. Il avait des cheveux courts et très noirs et une très fine moustache. À l’exception de sa moustache, il était rasé de près. Mais qui suis-je ? Un Capitaine de quel Empire ? Rien ne lui revenait. Son regard s’affrontait lui-même, mais le combat était sans issue.
« Puis-je vous aider, Capitaine ? » Un homme portant de petites lunettes rondes et une courte barbe soigneusement taillée était apparu derrière le bureau.
« Euh, oui, répondit Novik. Je désire d’urgence parler au Maire de Sniyâân.
- Avez-vous pris rendez-vous ?
- Non, je suis messager d’urgence pour le Maire de Sniyâân. »
Là, je peux vraiment commencer à me demander d’où je sors ces conneries.
« Ah ? s’étonna l’homme. Bien. Alors je vais demander à son secrétaire de descendre.
- Faites donc.
- Je vais le chercher, ne bougez pas. »
L’homme sortit dans le couloir et monta un escalier. Novik, pendant ce temps-là, se posta à nouveau devant le miroir. L’uniforme qu’il portait lui seyait à ravir. Il croisa les bras et bomba le torse, voyant s’il pouvait impressionner quelqu’un par sa stature. Il décida que oui. De toute façon, il fallait une certaine condition physique pour porter une telle armure et tout ce qui allait avec. Et bien qu’il sentît le poids de son équipement, celui-ci ne le gênait nullement.
Il retira son gant gauche et coinça la paire entre sa ceinture et son ventre. Puis il rabattit sa cape par-dessus ses épaulières, de façon à ce qu’elle l’enveloppe complètement. Un bruit dans l’escalier lui fit faire demi-tour et retourner devant le guichet.
L’homme qui devait être le secrétaire descendait devant le guichetier. Il était assez grand et portait un uniforme assez semblable à celui de Novik, hormis quelques détails mineurs : il ne portait ni armes ni armure. On voyait tout de suite que c’était un uniforme de fonctionnaire et non celui d’un militaire (Novik se fit silencieusement la remarque en se demandant si tout ce qui avait trait à l’Empire devait porter ses couleurs de façon aussi excessive). L’homme était assez sec, comme s’il avait été malade durant les dix années passées. Il avait de grandes mains osseuses et fra-giles aux ongles lisses, presque manucurés.
« Bonjour, Capitaine, je suis le secrétaire Aovon, attitré du Maire de Sniyâân. Le Maire est actuellement en déplacement à Sdhavôn, mais je peux vous recevoir à sa place. Si vous voulez bien me suivre… » dit-il à Novik en lui montrant les marches.
Mais dans quoi je m’embarque ? Ça sent bizarre, cette histoire…
Novik prit une fraction de seconde avant de s’engager dans l’escalier à la suite du secrétaire. Ce sentiment qu’il interpréta d’abord comme une intuition le prévenait que quelque chose d’imprévu et peut-être de désagréable allait se produire.
Plus il montait les marches, plus il pensait que ce n’était pas une intuition, mais une certitude.
EXTERIEUR, 2
La porte se rapprochait de plus en plus. Elle devait avoisiner les dix milliards de kilomètres de diamètre. Et lui, il était devant toutes les autres âmes, même devant la plus ancienne. Il fut amené au centre de la porte, à cette même vitesse quasi-infinie. Devant lui, trois traits se rejoignaient. Il regarda du plus près qu’il put pour comprendre ce que ces traits faisaient là.
La porte s’ouvrit, et il fut la première créature de l’Univers à accéder à l’Extérieur.