Bonjour. Voici une nouvelle que je viens de terminer.
J'espère qu'elle vous plaira. J'attends vos avis.
Bonne Lecture.
La croisée des chemins Bijouterie de Wickett, au Texas.
Quand Tim Burton sortit de la boutique, l’alarme se déclencha. Il tenait dans ses mains un sac bourré de montres, de bracelets, de colliers et de bagues. La plupart des bijoux étaient en or 24 carats, certains composés de pierres précieuses.
Une bague sertie d’un énorme diamant avait particulièrement retenu l‘attention de Tim.« Celle-là, c’est pour Marie.», avait-il dit, tout en admirant l’éclat de la pierre polie sous son socle de verre qu’il avait ensuite brisé avant d’enfouir la bague dans sa poche.
- Grouilles-toi! grommela Ed Hans, l’ami de Tim, qui attendait sur une Harley Davidson, une Fatboy.
« Une bécane de tous les diables », disait Ed. Jantes pleines chromées, amortisseurs customisés, échappement en forme de canon de fusil, selle et tableau de bord garni de cuir, repose-pieds et guidon look FLH. Elle était flambant neuf. Il venait de la voler, deux jours auparavant, à Brad Kartwell, un pauvre type qu’il n’avait eu aucun mal a semé grâce aux 1450 centimètres cubes qui vrombissaient sous le réservoir.
Ed était un paumé, bien plus que Tim. Il avait mauvais caractère et l’esprit dérangé. On le considérait comme une crapule mais tout le monde la fermait face à lui. C’était le genre de mec à ne pas contrarier. Certains l’appelaient « Boss ». En fait, ce n’était qu’un crétin.
Tim courut en direction de la Fatboy, le sac à la main, lorsqu’il fût soudain agrippé par quelqu’un. Le réflexe fût qu’il tenta de s’en dégager, mais rien n‘y faisait, il était pris. La poigne de la main qui tenait son avant-bras démontrée une grande force de l’assaillant car, bien que Tim ait toujours été un cake à l’école, il pratiquait en revanche des sports tels que la boxe et l’haltérophilie régulièrement depuis plusieurs années et s’y connaissait donc fichtrement bien sur ce sujet. La force physique c’était son truc.
Son étonnement toucha son comble lorsqu’il vit qu’il s’agissait d’un vieil ivrogne, aussi sec qu’un manche à balai de chiotte, un clochard du coin, Rad Bogderlan, ou Raton pour les intimes.
- Lâches-moi, sac à merde!, grogna Tim.
- Écoutes la voix de l‘Eternel, mon fils, s’exclama le vieux Rad, le teint livide, d’une voix de mourant.
Ils arrivent! Ils arrivent!
Ils ferment leurs entrailles.
Ils ont à la bouche des paroles hautaines.
Ils sont sur nos pas, déjà ils nous entourent.
Ils nous épient pour nous terrasser.
Ils s’avancent de toutes parts contre toi.
Et il te jugeront selon leurs lois.
Et si juger tu dois l’être.
Alors ils te traiteront avec fureur et haine.
Ils enlèveront tes richesses.
Ils te couperont le nez et les oreilles.
Et ce qui restera de toi tombera par l’épée.
Ils prendront tes fils et tes filles.
Et ce qui restera de toi sera dévoré par le feu.
Ils te dépouilleront de tes vêtements.
Et te laisseront nu, entièrement nu.
Ces choses t’arriveront si tu bois dans la coupe.
La coupe de désolation et de destruction.
Ils arrivent… Et il le lâcha.
Tim s’installa enfin derrière Ed et coinça le sac de bijoux entre son corps et sa veste en cuir qu’il referma, d’un coup sec de fermeture éclair, jusqu’au cou.
- Complètement taré ce mec, dit Tim qui n’avait jamais entendu un truc pareil.
- J’te f’rais la peau un jour, vieux chnoc, balança Ed. Une formule qui était devenu pour lui un adage courant. Il avait ensuite mis les gaz, poignée bloquée, en direction de la route N57.
Route N57, Texas, en direction de Pyote.
- Roules moins vite bordel!, dit Tim.
- Fermes-là!, répondit Ed qui dépassait déjà les 100 milles sur sa «bécane de tous les diables», sa Fatboy.
- Si on se casse la gueule avec ta foutu pétoire, je te jure que tu l’regretteras.
- C’est ça, causes toujours, répondit Ed qui accéléra encore un peu plus pour faire chier Tim, le sourire sadique au coin des lèvres.
La route N57 n’est qu’une longue ligne droite au milieu d‘un paysage désertique, au sol rouge ocre et poussiéreux, plombés par quelques rochers aux bord de la route. Ed le savait. Elle ne présente, réellement, aucun danger. Hormis au passage de la borne 22 qui se trouve au sommet d’une colline. Ce passage ne permet aucune visibilité de ce qui vous arrive en face avant de ne l’avoir atteint.
Harry Grant cheminait, ce jour-là, la route N57 au volant de son pick-up. Il se rendait à Wickett pour acheter des pièces de voitures.
« Beautiful life » de Bilen Crow passait à la radio.
Il tapait ses mains sur le volant de son pick-up, un semblant de rythme.
…
I wAnnA bE lOve… All thE liVe!… Harry chantait si faux que si le moteur de sa caisse avait une âme, celle-ci aurait certainement coulé une bielle. Heureusement, le son de la radio camouflait un peu sa voix, ce qui donnait parfois l’impression qu’il chantait juste. Paix à son âme.
Harry commença sa montée. Il était maintenant tout proche de la borne 22 lorsqu’un vautour se posa sur la route.
Réflexe. Il braqua son volant et se retrouva sur la file de gauche, en sens inverse.
- Chauffard!, hurla Harry avec Bilen Crow.
…
A place for all at the paradis!…Come on all!…come on all!… A cet instant, Ed qui n’avait pas relâché la cadence de sa Fatboy, se trouvait à 2 mètres de la borne 22.
Le choc était inévitable.
- Eeeeddd!, hurla Tim.
- Bordel de…!, s’étouffa Ed en voyant le pick-up surgir de la boite de pandore.
- Nom de…!, s’étrangla Harry qui braqua encore à gauche.
Ed tenta un coup de guidon pour esquiver le pick-up, ce qui à deux doigts près fût réussi. Mais l’arrière de sa bécane percuta le pick-up. La Fatboy se mît à tourner comme une toupie. Une bonne façon de perdre du poids, ce serait amusé de dire Tim dans une situation un peu plus stable.
Tim fût projeté dans les airs avant d’atterrir hors piste sur la terre sèche et désertique.
Quant à Ed, il fît d’abord un tonneau avec la Harley et fût violemment éjecté sur l’asphalte de la N57, tourneboulant sur lui-même sur une dizaine de mètres.
La moto s’emballa encore sur une bonne distance et termina sa course par un triple axel au milieu de la route.
Elle s’enflamma.
Harry tentait de contrôler les quatre grosses gommes Michelin qui le tenait encore sur la terre Mère. Mais dès sa sortie de route, il percuta un rocher et fût propulsé dans les airs, ne sachant si il était question ici d’aller voir son Père au ciel ou bien d’imiter Hannibal dans l’agence Tout Risque, le cigare au bec, réalisant une cascade spectaculaire. La réponse est qu’il vint atterrir comme l’oisillon à son premier essai et, maladroitement, il enchaîna les froissements de taules sur quatre beaux tonneaux avant de retomber sur le toit, un peu retourné.
Harry rampa pour sortir du pick-up en passant par sa vitre brisée et s’éloigna tant bien que mal de son épave.
- Bon dieu de merde, Ben va me tuer, dit Harry, l’arcade éclatée et la gueule en sang. Il pensait déjà à la tête qu’allait faire son patron.
- Une journée qui avait si bien commencé, soupira-t-il.
Lorsque Tim ouvrit les yeux, tout était rouge. Du sang avait coulé dans ses yeux à cause d’une entaille qui s’était formé sur son front après sa chute sur un caillou de la taille de son poing. Sa cuisse était douloureuse et les battements de son cœur suivait le rythme effréné d’un air de techno, plus précisément de la transe. Il s’essuya les yeux, reprît ses esprits qu’il avait abandonné pendant un instant, perdu dans la brume, et avec difficulté, il se leva.
- Ed… Je vais te…, se mît à gémir Tim péniblement.
Le rapport d’analyse sur la partie physique de Ed fût le moins glorieux. Il avait un bras cassé, une oreille éclaté, cinq côtes brisées et le nez en prime. Sans compter le traumatisme crânien qui en somme n’était pas si grave puisqu’au fond il avait toujours été complètement dérangé du ciboulot.
Mais il ne resta pas longtemps étalé sur le bitume. Il s’était déjà remis sur pieds et se trainait en direction de la borne 22, au sommet de la colline, afin de trouver le conducteur du pick-up, cette foutu machine qui avait bien failli le tuer.
- Ed! Espèce de connard!, hurla Tim qui n’avait qu’une envie, lui casser sa gueule.
- Toi fermes-là!, répondit Ed. Je vais le tuer ce chauffard de mes deux!
- C’est moi qui vais te tuer, espèce de tordu!, continua Tim qui tentait de le rejoindre.
Harry ne pouvait les voir puisqu’il se trouvait maintenant sur le versant opposé de la bute par rapport à eux. Mais il entendît tout et, instinctivement , il retourna vers son épave.
- Ça s’complique on dirait, murmura-t-il.
Il brisa la vitre arrière du véhicule et en sortit un canon scié et des cartouches, du 12mm.
- Tu vas… haa… passer… sale quart d’heure, siffla Ed entre ses dents qui sentait la haine monter en lui au fur et à mesure que les douleurs de ses côtes brisées devenaient plus intenses. Il en avait le souffle coupé et titubait de plus en plus de gauche à droite.
Harry chargea son canon scié. Il inséra six cartouches dans la loge.
Tim titubait péniblement sur le sol aride et craquelé quand, subitement, il s’arrêta. Une peur vint l‘envahir, une fêlure inattendu dans son âme se forma. Il se pissa dessus.
- Eeeeeeeeeed!, hurla soudain Tim d’une voix stridente et frénétique comme si sa gorge s’était ouverte d’un mètre pour faire surgir un puissant jet de lave tel un geyser.
Surpris, Ed se tourna en direction de Tim qui se tenait à une trentaine de mètre. Son sang se glaça lorsqu‘il l‘entendit hurler. Ed avait eu la frousse. La première pensée qui lui venu à l’esprit était que Tim venait peut-être de se faire piquer par un scorpion ou mordre par un serpent.
Mais il se retourna brusquement en direction de la route lorsqu’il entendit une détonation .
- Il a un flingue, pensa-t-il, tout à coup effrayé.
Mais il n’en était pas sûr.
Ed fût soudainement percuté de plein fouet par un monstrueux camion citerne, un 33 tonnes roulant à plus de 80 miles!
Sous l’horreur bien réelle, Tim vit son pote de toujours, cet enfoiré de première, se faire démembrer. Sa tête explosa et son corps se décomposa littéralement, dans une farandole de chair et de sang, sur tout le bitume de la N57.
Voilà ce qu’était devenu son pote Ed en même pas trois secondes.
Le pilote du camion avait réussit à garder le contrôle malgré la giclée de sang encore chaud qui s’était répandu sur le pare-brise. Mais se fût avant de rencontrer la Fatboy en feu qui gisait encore au milieu de la route.
Il la percuta et elle explosa, défonçant ainsi tout le dessous avant gauche du camion. Le pneu éclata, la direction céda et une grosse boule de feu enflamma tout le côté gauche.
Le routier avait le bras qui flambait. Il braqua maladroitement le volant dans un moment de panique. La remorque se mît en travers un instant, avant de basculer lourdement sur le bitume, tel une baleine qui retombe sur son flanc après avoir fait un plongeon monstrueux hors de l’eau.
Le camion-citerne glissa sur la route sur plus d’une cinquantaine de mètres, sous les hurlements désagréables et assourdissants du combat acharné entre la pierre et l‘acier.
- Putain de merde, mais qu’est-ce qui se passe là-bas!, s’insurgea Harry, devenu pâle tout à coup.
Il avait vu passé le camion citerne. Il avait ensuite entendu Tim hurler à la mort, puis ce boucan d’enfer qui s’était propagé dans les cieux comme le coup de tonnerre colérique de Zeus en personne.
La cabine du camion citerne s'embrasa. Ralph, le chauffeur du bahut, se hissa de la cabine en passant par la vitre du côté passager. Son corps subissait maintenant l'horrible déclaration des droits du feu.
Aaaaaaaaah!… Aaaaaah!…Aaaaaaaaaaaah!…
Il se jeta du haut de la cabine et se brisa les jambes en retombant.
Son corps prit feu entièrement.
Il rampa un instant au sol, la tête enflammée et rendit son dernier soupire dans une mort où l’agonie s’associe avec l’odeur écoeurante de la chair humaine brûlée en décomposition. Ralph était une perte pour personne. Hormis peut-être pour la société Budweiser qui aurait certainement été peiné de savoir que le plus grand buveur de Bud de tout le temps venait de rendre l‘âme. Il reste néanmoins qu’il avait toujours vécu seul et il terminait ainsi sa vie, horriblement seul.
Tim était tétanisé. Il regarda alors vers le ciel, pleura et pria.
- Mon Dieu, dîtes moi que tout ceci n’est pas vrai, pardonnez-nous, pardonnez-nous!… par-pardonner à tout ceux qui nous ont offensé,
dé-délivré nous du mal!
Tim n’était pas croyant et avait été à l’église qu’une seule fois dans sa vie. Pourtant, il avait retenu ces paroles. En fait, il les entendait assez souvent dans les films à la télévision, genre l’Exorcisme. Il se rappelait encore parfaitement du jour où il s’était tapé une barre de rire en le visionnant avec ses potes. Aujourd’hui, il ne rigolait plus. Il se sentait un peu comme le prêtre, face à une situation démentielle. La seule différence était que la malédiction ne s’était pas encore retourné contre lui. Et pourtant, il y avait là de quoi vous rendre dingue.
Tim vit un vautour dans le ciel qui vint se poser sur la route. C’était celui qu’Harry avait esquivé avec son pick-up. Le vautour s’approcha d’un bout de chair et commença à donner des coups de bec dessus.
- Il est en train de bouffer Ed, murmura Tim, consterné, l’œil hagard, les joues ruisselantes, la mâchoire inférieure pendante et baveuse.
Il dégobilla d’un spasme sec et brutal .
Le vautour mangeait maintenant avec allégresse sur ce repas qui semblait lui convenir parfaitement.