Salut à tous !!!
je viens vous faire découvrir ma dernière histoire. Pas de sang ni de fantastique dans cette histoire. Seulement une aventure d'enfant, avec mes propres souvenirs en tâche de fond...
"Noé, neuf ans, décide de quitter le domicile familial. Ses parents sont des gros nuls et il en a marre de passer pour un bébé. Fort de ses idoles que sont Mc Gyver, Indiana Jones, Davy Crockett et autres membres de l'Agence Tout Risques, il va partir à l'Aventure, seul, avec son bâton..."
Si lire sur le web vous fait chier, vous pouvez la télécharger :
- Format PC
- Format Mac

– NOM D'UNE PIPE ! Puisque c'est comme ça, tu sors de table et tu montes dans ta chambre ! Je ne veux plus te voir !
C'est sur ces mots de son père que Noé décida de quitter pour toujours le domicile familial. Ces deux nuls qui lui servaient de parents n'avaient plus rien à lui apporter. Mieux valait tracer sa route et se laisser porter par le vif vent de l'aventure.
Il avala sa bouchée de pain et jeta sa serviette dans son assiette pleine de sauce, éclaboussant la nappe beige. Son père ouvrit de grands yeux et cracha son vin par le nez.
– T'en veux une paire de baffes, en plus ? rugit-il en bondissant de sa chaise comme un bouchon de champagne, la main brandie au dessus de sa tête, prête à smasher la mouche de neuf ans.
Noé lui échappa et courut dans le couloir. Il connaissait cette maison par cœur, de nuit comme de jour. Des fois, il s'imaginait aveugle comme le Chevalier du Zodiaque Shiryu, et il partait en mission dans les couloirs, les yeux bandés, prêt à combattre n'importe quel ennemi, humain ou féminin.
Il grimpa quatre à quatre les marches de l'escalier, souple comme un serpent. Des centaines de fois sa mère lui avait prédit une mauvaise chute, avec hôpital, repas dégueus et le plâtre qui gratte en-dessous à la clé. Et bah non ! Elle avait eu tort. Jamais il n'était tombé, pas même les fois où il avait dévalé l'étage un slip sur les yeux.
Il montait cet escalier si familier pour la dernière fois, il le savait. Sa main effleura la rampe de bois avec nostalgie et il se précipita dans sa chambre, où il s'enferma.
Il s'arrêta quelques secondes pour réfléchir à un plan. Déjà, ses parents arrivaient, lourdement, ne montant les marches qu'une à une, comme des petits vieux qu'ils étaient déjà. De vrais nullards !
– Noé, ouvre cette porte, bon Dieu ! gueulait son père.
Il doit être tout rouge, pensa Noé avec amusement. Comme la fois où il avait eu la diarrhée sur l'autoroute espagnole.
– Tu ne seras pas puni ! proposa sa mère, toujours prête à marchander.
Il réunit ce dont il avait le plus besoin : un pull en laine Mickey qui le sauverait en cas de blizzard à -70°, son blouson en jean acheté par correspondance et qui lui allait un peu trop grand (quoi qu'en dise sa mère), ses baskets pump à coussin d'air crevé, seul bénéfice tiré de sa première année d'ennui au catéchisme ("Jésus t'aime !", mais je ne le connais même pas !), sa paire de lunette à rayons X, miraculeusement trouvée dans un Pif Gadget, et enfin : ses économies. Il vida son cochon et glissa le kilo de pièces d’or (des pièces de vingt centimes pour la plupart) dans la poche avant de son sac, qu'il installa sur son dos, avant de sortir par la fenêtre.
Un coup puissant résonna contre le battant.
– Noé, si tu n'ouvres pas cette foutue porte, tu seras privé de jeux vidéo jusqu'aux vacances, et je ne rigole pas ! tonna son père.
Il eut une seconde d'hésitation... Trois semaines sans console, c'était quand même pas rien. Oh ! et puis zut ! Il partait pour ne jamais revenir, alors au diable la console ! Il en aurait d'autres, et des bien plus puissantes, avec quatre manettes pour jouer à plusieurs et un pistolet laser à infra rouge, comme son cousin Michael, le bourge.
Il enjamba la fenêtre et s'accrocha à la gouttière. Il s'en était plusieurs fois servi pour jouer au pompier américain ou pour aller fuguer les dimanche matin afin d'échapper à la messe.
Il jeta un dernier regard à sa chambre, son univers, qu'il laissait derrière lui. Ses posters Panini, son affiche Ghostbusters, sa collection de Transformers et son mange disque bleu. Ça lui faisait mal au cœur quand même d'abandonner tout ça.
Allez, ouste ! Il rachèterait les mêmes ! Un aventurier se doit d'être toujours prêt à lever le camp en quelques minutes et tout laisser derrière, femmes et enfants, terres et bêtes, souvenirs et espérances. Il avait entendu ça dans Davy Crockett. C'était pas de la connerie.
La clé de sa porte tomba sur le parquet. Quelle erreur de sa part ! Il aurait dû la retirer. Un gars comme Mc Gyver ne faisait pas ce genre de bourde ! Évidemment, son père avait glissé une feuille de papier sous la porte, qu'il ramena à lui, avec la clé dessus. Il y avait juste assez de jour sous la porte pour la laisser passer.
Il descendit la gouttière à toute vitesse et se jeta sur la pelouse. Il franchit le jardin comme une fusée, sautant au-dessus du bac à sable de sa petite sœur, et il fut enfin dehors, dans le monde, seul.
Il entendit ses parents crier dans la chambre mais il était déjà loin.
Il regarda sa montre : 20h58... Tant pis pour Manimal. Ce soir, il allait découvrir la ville, de nuit, sans voiture, sans phare, sans papa maman. Tout seul, comme un grand. Un grand aventurier.
Il repéra un bout de ficelle sur le trottoir et le fourra dans son sac. Un rien pouvait servir. McGyver parvenait à se tirer des pires situations avec des petits riens comme ça. Les types de l'Agence Tout Risques aussi.
Il sprinta sur quelques centaines de mètres pour s'éloigner rapidement de ses parents, qui n'allaient pas tarder à prévenir toute la ville de sa fugue.
Il s'engouffra dans les petits ruelles qui séparaient les zones pavillonnaires. Il les connaissait par cœur à force de les arpenter en bicross avec ses copains. C'était leur territoire, et certains chemins leur appartenaient : ils y établissaient des QG où ils décidaient des opérations à effectuer dans le quartier : traques de chats sauvages, de filles ou de gangsters impliqués dans la drogue ; recherches de trésors ; sonnettes chez les vieux qui faisaient leur sieste devant les Chiffres et les Lettres ; espionnage chez les voisins dont l'aînée se faisait bronzer en bikini... Des fois, ils embêtaient les couillons de la classe : Yoann le gros, Joël la biglouche, Vincent tête de gland et bien d'autres... Mais Noé n'aimait pas leur faire de la peine. Il avait déjà compris que c'était très dur à vivre, quand tout le monde se moquait de soi. Aussi, il restait toujours à l'arrière lors des missions punitives, et se contentait d'alimenter ses adjoints en sable et autres crottes de chien séchées.
Tout cela était terminé. Il n'aurait plus le temps pour ces jeux de bébé. Il aurait bien été chercher Julien, son meilleur copain, mais il devait déjà être couché. Tant pis pour lui. Il reviendrait le chercher dans vingt ans, quand il aurait fait le tour du monde.
Il déambula dans le dédale qui s'assombrissait à vue d'œil. L'espace d'une seconde, il eut un peu peur d'être là, tout seul, alors qu'il aurait du être dans son lit, un bon Pif Poche dans les mains. Mais cela passa : il bomba le torse et resserra les sangles de son sac à dos. Il bifurqua au niveau de la rue principale et descendit vers le collège. Là, il pourrait tracer à travers champs sans se faire repérer par les hélicos du FBI. Il faudrait surtout qu'il trouve un bâton. Ça sert toujours un bon bâton, surtout quand on est aventurier...
Il contourna le collège désert et s'enfonça dans le champs en friche qui en longeait l'enceinte. Il lorgna les tristes bâtiments scolaires avec dédain. Jamais plus il n'irait à l'école, encore moins au collège. Il avait appris les bases en primaire, et ses maîtres n'avaient plus rien à lui enseigner ! Que connaissaient-ils des explosifs chimiques, des armes d'espionnage, des écoutes sur minitel, des dragons, des monstres, de la mafia roumaine ou des extraterrestres déguisés en conducteurs de bus ? Rien !
Mais il serait reconnaissant. Il reviendrait, plus tard, auréolé de ses exploits, et ses anciens professeurs l'acclameraient, fiers de l'avoir eu un jour comme élève... Pour son enterrement, ils chanteraient tous ses louanges, en pleurant comme des madeleines bretonnes !
La nuit tombait de plus en plus vite mais la chance était avec lui : la grosse lune presque pleine qui trônait dans le ciel lui servirait de lampe torche. Pourvu qu'il n'y ait pas de loups-garou dans le coin !
Il frissonna et mit son blouson en jean. De toute manière, les loups-garous n'existaient qu'en Amérique. On n'avait jamais entendu parler de ce genre d'affreux jojo dans le coin ! Il tenta de se rassurer mais des visions effrayantes traversèrent son esprit : dentiers de grands-mères vampires, têtes sans corps, insectes mortels qui se cachaient dans les chaussons, chauve-souris enragées qui hantaient les caves, chiens fantômes à la recherche d'os frais... Son imagination fertile était bien décidée à le tourmenter.
Il se mit à chantonner un générique de dessin animé et continua sa marche, droit vers la forêt. Il en longerait la lisière afin de descendre vers la nationale, deux kilomètres plus bas. Là, il pensait faire du stop pour partir vers le Grand Canyon, où paraît-il existaient encore quelques cow-boys. Des vrais, pas des tapettes avec des balles à blanc ! Il s'imaginait déjà avec un ceinturon en argent, deux colts lourds et étincelants sur ses hanches, prêt à défendre un village entier, tuant tous les bandits d'une seule balle bien ajustée. Il pensa à Clint Eastwood dans le film, agile comme un lynx, dégommant trois mexicains sales et mal rasés en un quart de seconde. Il plissa les yeux pour l'imiter. Il faudrait qu'il s'achète des cigarettes, des vrais qui puent, qu'il lécherait soigneusement avant de les allumer, à l'aide bien sûr d'une grosse allumette grattée sur la manche de son blouson. Après il dégainerait à la vitesse de la lumière...
Pan, pan ! Dans le cul du loup-garou !
Il repéra un grand bâton. La chance lui souriait déjà ! Il arracha les petites branches et brisa le bout, pour le rendre plus tranchant. Avec une telle arme, il ne craignait plus personne, pas même un ours !
Il fouetta quelques orties pour vérifier l'efficacité de son sabre et reprit son chemin, satisfait. On pouvait faire plein de choses avec un bon bâton : parer des coups, épingler des crottes de chien pour s'en servir comme projectiles, prendre appui pour faire un salto sur le côté comme Van Damme dans le film, hypnotiser des petits animaux, attraper des fruits, trouver une source d'eau potable... Le bâton était l'arme ultime de l'aventurier. Bien sûr, un pistolet Smith & Wesson était plus rassurant mais les cartouches devaient coûter très cher !
Il atteignit l'orée des bois et prit le chemin qui devait le mener à la route. Il était déjà passé plusieurs fois par là en bécane avec des copains lors de missions d'explorations, mais ils n'étaient jamais descendus jusqu'à la nationale. Ses peureux de parents le lui avait défendu, à cause des voitures et des gros camions susceptibles de l'écraser. Il sourit à cette idée. Lui ? Écrasé par une simple voiture ? Seuls les moineaux et les hérissons étaient assez crétins pour aller se glisser sous des roues lancées à pleine vitesse. Il connaissait le b-a-b-a : regarder à gauche et à droite, encore une fois à gauche, puis traverser ! N'importe quel bébé savait ça.
La nationale apparut enfin, longue bande de bitume grisâtre où quelques véhicules se croisaient à toute vitesse. Il repéra l'arrêt de bus à une centaine de pas et s'y rendit. Là, il pourrait se reposer un peu et réfléchir à ce qu'il allait dire à la personne qui le prendrait en stop. Ces adultes étaient si faciles à berner, il trouverait bien quelque chose. Le plus dur serait de réussir à garder son bâton à bord. Les adultes n'aiment pas qu'on viennent dans leur voiture avec des bâtons. Ils ont plein de règles de ce genre avec leurs satanées bagnoles. Mettre sa ceinture, ne pas mettre de miettes de pain partout, arrêter de baisser sa vitre pour mettre sa tête dehors (c'était pourtant si bon de sentir le vent écarter les trous de nez), ne pas tracer d'incantations magiques (souvent destinées à faire arriver plus vite) sur les plaques de buée... Lui n'aurait jamais de voiture, ni de camion. Il aurait un cheval, avec une longue crinière bien peignée, ou peut-être une moto en cuir toute noire, qui cracherait du feu quand on appuierait sur le champignon, comme un dragon d'acier. La voiture, c'était pour les feignants. Ou les parents.
Il s'assit sur le petit banc beige et observa les parois de l'abri, taguées et recouvertes d'inscriptions étranges.
Fuck you ; no future ; vive le H ; Françoise baise Marine...
Il avait lu quelque part que certains messages semblables à ceux-là étaient des codes secrets employés par des espions soviétiques. Il essaya de déchiffrer le sens des plus curieux graffitis mais en vain.
Il regarda sa montre : 21h19. Ses parents avaient déjà dû prévenir la police et la DASS. Il devait rester aux aguets, se cacher si une patrouille pointait le bout de son nez.
Il scruta les deux côtés de la route et fut satisfait de n'y apercevoir aucun gyrophare.
Bon, il fallait faire du stop. Un camion ou une voiture ? Mieux valait un camion, c'était plus sûr. Les routiers sont des gars bourrus mais foncièrement bons, c'est bien connu. Avec une voiture, on ne savait jamais sur quoi on allait tomber. De plus, sa mère lui avait toujours rabâché de ne jamais monter dans la voiture d'un inconnu, surtout s'il offrait des bonbons. Dommage ! Il adorait les beks, surtout les bouteilles de coca, celles avec du sucre autour.
Il opta donc pour le camion. Qu'allait-il pouvoir bien lui sortir comme bobard ?
Je suis orphelin et je pars en Amérique pour rendre visite à ma tante Claudine. Dans quelle ville habite-t-elle ? Euh... Londres ?
Vous allez me prendre pour un dingo mais je suis un adulte piégé dans un corps d'enfant. Quel âge j'ai ? Euh... Quarante-dix sept ans...
Mes parents m'attendent à l'aéroport pour partir en Afrique. Pourquoi ne m'ont-ils pas emmené ? Parce que j'ai raté l'avion...
Il se tritura les méninges pour trouver un truc qui tenait debout et finit par tomber d'accord avec sa conscience. Rien ne valait la franchise la plus franche. C'était son grand-père qui lui avait dit ça... ou peut-être était-ce Hannibal Smith ?...
Il commença à faire du stop, le pouce levé. Il se sentit plus vieux et regretta de ne pas avoir une cigarette à se fourrer au coin des lèvres.
Après plusieurs voitures qui passèrent leur chemin sans même freiner, un camion s'arrêta dans un crissement de pneus, les phares clignotants. Avant d'escalader le marchepied, il jeta un regard derrière lui, et eut une petite pensée pour ses parents. Les pauvres, il ne leur en voulait pas au fond d'être si nuls. Ils devaient êtres très inquiets. Il hésita : ne serait-il pas plus raisonnable de faire demi-tour ? Rentrer bien gentiment chez soi, et se glisser sous la couette bien épaisse ?...
– Alors, gamin ? Tu montes, oui ou merde ?
Son sang ne fit qu'un tour. Il enfila correctement son sac à dos et monta dans le camion. Il prit place sur la banquette et posa son sac à ses pieds.
– Ça ne vous dérange pas si je garde mon bâton, m'sieur ?
– Pouah ! garde le ton gourdin !
>> suite