NEPHIL
écrit par Jérémy SEMET
Cette fable prend place après la Bataille des Dieux Géminés, après la disparition de Caliish et raconte l’histoire de l’un de nos plus lointains ancêtres : Nephil. L’Aorodor le plus illustre et aussi le plus grand – sa taille avoisinait les trois mètres – qui avait embrassé l’ensemble des enseignements de sa caste et même ceux de ses frères Vauldors et Erodors. Il était si sage et si puissant – on raconte que sa longue chevelure blanche, malgré son jeune âge, rajoutait à son statut d’érudit – que Père lui avait même trouvé une minuscule place sur son Trône céleste. Un jour, après la naissance des deux premiers êtres humains, Nephil, curieux de la nouvelle création de son Père, lui demanda la permission de mieux les connaître, de savoir qui était ses frères et sœurs direct.
A travers un rayon de lumière, il apparut aux nouveaux-nés vêtu d’un linge laiteux et de sa brillante auréole. Lorsqu’il se mêla à eux une attirance irraisonnée l’obligea à se rapprocher de la jeune femme. Comme si ses sens avaient été abusés par un maléfice digne du seigneur du Mélanosanctuaire. Il tomba sous son charme, gardant ardemment son secret au fond de lui, tenta de se fondre à elle à la manière des humains ; à cette époque, l’asexualité des Anges n’avait pas encore été décrétée.
De cette union naquit un fils hybride, Nephilim, qui possédait le savoir des Hommes et des Anges ; mais également un air bêta et niais. Nul ne savait quelle était la forme de cette nouvelle créature. Au fil des siècles, l’Homme étudia Nephilim et finit par lui donner le nom d’Autiste.
Blanc de colère, l’éclat de sa silhouette étant si puissant qu’elle occulta tout le Secteur des Conceptions, Père envoya un de ses fils, Yscari, afin que Nephil apprenne la mauvaise parole et qu’il se rende de lui-même devant le Trône. Fourbe et téméraire, Nephil ne voulut rien entendre et Père fut contraint de mandater deux autres de ses fils : les véloces Apyphal et Sératon.
Alors que Nephil était conduit par ses deux frères vers ce qui s’avérait être un sombre destin, Morgardh, le jumeau de Père, avait insidieusement envoyé un oiseau assassin pour le contraindre de fusionner à nouveau. Jadis connus comme Illnahog, le tout-parfait, ils n’étaient plus qu’à présent deux entités séparées dont l’une cherchait désespérément à rejoindre l’autre.
Ne sachant pas ce qui l’attendait – et voyant le volatile foncer sur son Père – Nephil repoussa Apyphal et Sératon et lança son auréole sur le maudit oiseau. La chose s’abattu au pied du Trône, agonisante.
Mais Père avait la rancune tenace et il n’avait pas pour autant oublier le sacrilège de son bras-droit, de celui qu’il considérait comme son fils le plus digne.
C’est alors que l’Aorodor le plus détesté des Cieux fit son entrée : Ixison le Bourreau. Il arracha l’auréole de son propre frère avec une telle violence que celle-ci explosa dans ses mains. Avec Aob, sa propre faux stellaire, Nephil vit ses ailes tranchées et ses organes sexuels découpés. A propos, c’est à partir de ce jour que les Anges furent déclarés asexués.
Puis, soufflé par la rage et l’indignation, Père emprisonna dans le même corps, son propre fils et le monstre qui avait voulu causer sa perte. La créature résultante de cette union contre nature fut appelée « Chimère ».
L’essence de l’assassin fut placée dans une sphère de cristal accrochée au sommet d’une canne de plomb que le Père confia à l’immondice, vivant symbole de son agonie à venir.
Non content d’avoir répudié son fils pour l’éternité, Père le tourmenta davantage en le soumettant à un supplice : la construction de trois Phares colossaux qui allaient permettre de surveiller et de chasser la plus petite partie de Mal sur la planète et de pouvoir bouter les sbires de son jumeaux en-dehors de son Paradis.
L’une de ses mains s’embrassa tel un soleil et Père trancha un morceau du continent de Deen qu’il lança loin, très loin des Terres pour former une île isolée au milieu de nulle part. L’île allait être le dernier lieu de résidence de son ancien fils. Selon ses plans, les Phares allaient être érigés sur cette île perdue, puis au cœur même du Continent et enfin dans les nuages, proche du palais d’Adhonay, là où ses frères seraient alors témoins de son expiation.
La Chimère parvint au terme des constructions – qui sans matériau adéquat lui prit une bonne partie de l’Eternité – mais fut également forcée de trouver une source d’énergie suffisante pour éclairer leur sommet.
C’est en interrogeant son pommeau de cristal qu’elle trouva la réponse. L’oiseau qui était enfermé à l’intérieur lui proposa le pacte suivant : « Si je trouve ta source d’énergie, tu me trouves un nouveau corps ».
La Chimère brisa la sphère – qui au moment de l’explosion produisit une boule de chaleur –, libérant ainsi l’oiseau qui alla se réincarner dans ce qu’il trouva de plus proche : un vieux rafiot laissé à l’abandon à quelques miles de l’île ; et elle scinda la boule en trois grains plus petits qui servirent à illuminer les Phares.
Le navire gagna en puissance en absorbant ce qu’il trouvait – âmes égarées, Jahselots imprudents – et sillonna les mers de Deen, écrivant sur les berges désertes les tristes pensées qui hantaient son esprit tandis que la Chimère, séquestrée au sommet de son Phare, contemplait les méfaits de son Père.
Quant à Nephilim, l’Histoire ne dit pas ce qu’il est advenu de lui.
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